On a reconnu le final de la Flèche wallonne avec Tom Paquot, le régional de l’étape : “Ici, j’ai l’impression d’être Pogacar une fois dans l’année”
On a reconnu le final de la Flèche wallonne avec Tom Paquot, le régional de l’étape.
- Publié le 16-04-2024 à 12h05
- Mis à jour le 16-04-2024 à 12h15
”Un cappuccino avec du lait d’avoine, comme d’hab, Tom ?” Il est à peine entré chez Mur Coffee & Cycling, sur la Place Saint-Séverin à Huy, que Tom Paquot a déjà quasiment son café à la main. Il faut dire qu’ici, il est un vrai habitué des lieux. Son maillot dédicacé fait d’ailleurs partie de la déco 100 % vélo de l’endroit, tenu de main de maître par Bernard Perrier et Edward Godby.
“Je m’arrête régulièrement ici lors de mes coffee rides (NdlR : sorties de récupération) et j’ai sympathisé avec eux”, sourit le coureur Intermarché-Wanty, dont la bonhomie est reconnue par tous dans le peloton et en dehors. “Bientôt, tu devras t’arrêter en face”, sourit Edward. “On va déménager dans quelques semaines de l’autre côté de la rue, dans un endroit plus grand et plus spacieux. La Flèche wallonne sera une espèce de fête de départ dans nos anciens locaux.”
Le mot magique a été lancé : la Flèche wallonne. C’est la course de l’année, à Huy. Et c’est également la plus spéciale pour Tom Paquot, qui vit à Braives, à moins de 20 kilomètres de l’arrivée. “J’ai dû attendre le mois d’avril pour courir ma première course en Belgique mais je suis content que l’équipe m’accorde sa confiance pour la Flèche, précise-t-il dans un grand sourire. Pour moi, c’est la course la plus spéciale de l’année. Elle a lieu sur mes routes d’entraînement, que je connais par cœur. Je sais où se trouve chaque trou sur la route et ça me permet d’être essentiel pour l’équipe, dans mon rôle d’équipier.”
Surtout dans les parties où les leaders doivent remonter pour se placer. “Je me souviens avoir gagné une étape au Tour de Liège, il y a quelques années. Elle arrivait, chez moi, à Braives. Dans chaque virage, je doublais dix coureurs rien que par le fait que je connaissais le parcours par cœur. Sur la Flèche wallonne, c’est pareil : je peux rouler les yeux fermés. Cela me donne un peu un rôle de capitaine de route, que j’apprécie. Et c’est une responsabilité. Mais j’ai fait des études d’éducateur et ça colle bien à ma personnalité : sociale et ouverte avec les gens.”
Les conseils d’un pro
“Tu roules comme un cyclo”
Le coureur de 24 ans a joint les actes à la parole en nous invitant à effectuer notre interview sur le vélo, pour une meilleure mise en situation. Avec Bernard, l’un des propriétaires du Mur, nous avons donc accepté d’enfourcher notre bécane pour reconnaître le circuit final 2024 avec le régional de l’étape.
Le rendez-vous est fixé, en lycra, au sommet du Mur de Huy, pour effectuer un tour complet du circuit de 33 kilomètres que le peloton parcourra trois fois. Les pédales à peine clipsées, on perçoit la différence qu’il peut exister entre un professionnel et un amateur dès les premiers kilomètres. “C’est déjà dur ? Pourtant, je ne suis même pas à mon allure d’endurance”, se marre Tom Paquot.
On essaye alors de surjouer un peu pour éviter de friser le ridicule. “C’est marrant, tu roules comme un vrai cyclo”, nous dit-il. “130 watts dans les descentes, et 350 dans les bosses. Il faut essayer d’être plus constant.”
On encaisse l’uppercut mais on prend le conseil. Puis on s’imagine dans la course.
”Du sommet du Mur jusqu’à Strée, il faut simplement garder une idée en tête : garder les roues du mec de devant, explique l’ancien porteur du maillot de meilleur grimpeur sur le Tour de Wallonie (2020). Le cardio va forcément rester haut, mais c’est normal.”
Les secrets du Hoyoux
“Il y a des endroits stratégiques pour se replacer”
Nous voilà un peu tranquillisés. Et la descente vers Pont-de-Bonne arrive déjà. Bernard en profite pour montrer ses talents de descendeur à Tom. La vitesse frôle les 75 km/h mais le coureur Intermarché-Wanty n’a pourtant pas l’air de forcer. “Ce vélo (Cube Litening AERO C : 68X) est tellement aéro que ça descend presque tout seul, sourit-il au moment d’arriver dans la vallée du Hoyoux. Ici, il y a 3,5 kilomètres pour se repositionner, quand on est dans le peloton. Cela représente environ 4 minutes. C’est un peu une période de transition où il ne faut pas commencer à stresser. Comme je connais bien cette vallée, je sais qu’il y a plusieurs endroits stratégiques pour se replacer au mieux. Mais je ne les dévoilerai pas (rires).”
Le secret sera bien gardé. Et la côte d’Ereffe, l’autre difficulté du circuit, se profile déjà. Avec ses 2,2 kilomètres à 5,5 % de moyenne, et sa pente maximale à 9,8 %, elle représente déjà un effort pour un amateur. Pas pour un professionnel. “Il faut simplement veiller à ne pas se laisser décrocher, reprend Paquot. La partie la plus dure, c’est le replat à la fin. Après le dernier virage à gauche, il y a toujours un peu de vent de côté et la relance fait mal. Parfois, cela peut casser.”
J'ai déjà accumulé plus de 10 000 kilomètres cette année.
Ce ne sera pas le cas cette fois-ci. Avec Bernard, on gère notre effort dans la roue de Tom, qui peut discuter sans difficulté. C’est un peu moins le cas pour nous. “Mais c’est logique, nous rassure Tom, qui compte déjà près de 30 jours de course cette saison. J’ai déjà accumulé plus de 10 000 kilomètres cette année. Je suis un des coureurs qui roulent le plus.” Question endurance, c’est donc du costaud.
La descente de Grand-Marchin nous permet de récupérer un peu, avant d’attaquer la côte, non répertoriée, de Belle-Maison (700 m à 7 % de moyenne, avec un passage à 13 %). “La route de la descente a été refaite, donc on peut prendre le virage à 70 km/h, nous précise celui qui a participé à une échappée sur le Tour du Pays basque il y a quinze jours. On arrive donc bien lancé dans la bosse, qui ne fait mal que sur sa partie finale. Mais ici, il y a rarement des faits de course car on replonge directement vers la vallée du Hoyoux.”
Un véritable sprint massif avant le Mur
“Il va falloir arriver en un seul morceau…”
Nous revoilà dans la vallée après 2 kilomètres de descente. “Ici, dans le dernier tour, il va falloir être attentif pour arriver en un seul morceau, surtout avec les aménagements routiers. On a vu ces dernières semaines, avec les nombreuses chutes, que le peloton avait fait du freinage d’urgence la norme, en délaissant le freinage d’anticipation. Je m’attends donc à un véritable sprint massif avant le pied du Mur.”
Car un changement de parcours par rapport à 2023 a été appliqué. “Avant, on allait chercher la côte de Cherave en face de l’hôpital, mais cette année, les travaux dans le centre de Huy nous en empêchent, précise Paquot. Pour moi, c’est une très bonne nouvelle car je déteste Cherave (rires). À la place, on montera une quatrième fois le Mur sur cette édition 2024. On a donc un tour de carrousel gratuit en plus (sourire). Et une quatrième fois les frissons dans le Mur. Donc personnellement, je dis merci à la Ville de Huy pour les travaux !”
Monter une quatrième fois le Mur, c'est un tour de carrousel gratuit.
Car le Mur de Huy, c’est évidemment le cœur de la Flèche wallonne. Et l’endroit qui a toujours fait rêver le coureur de l’équipe Intermarché-Wanty. “Quand j’étais plus jeune, je venais voir la course dans le Mur chaque année, se souvient-il. Et quand quelqu’un me demande où j’habite, je réponds toujours : pas loin du Mur de Huy. C’est le point le plus connu de notre région et il faut en être fier.”
Mais ne pensez pas que le Braivois le monte toutes les semaines. “Sur une année, je dois le monter trois ou quatre fois, au maximum. Mais je me rappelle avec déjà fait des intervalles dedans, en le montant et en le descendant cinq fois d’affilée.”
Ce qui permet, forcément, d’avoir de l’expérience à partager. “Après le rond-point, il faut savoir faire une bonne relance, histoire d’arriver lancé, puis de souffler un bon coup, indique Paquot. Après un petit toboggan, comme je l’appelle, l’ascension commence réellement, pour 3 minutes 30 environ. Jusqu’au virage Criquielion, il y a encore la possibilité de gérer un peu son effort et après, c’est à bloc, tout simplement. Tout le monde a mal aux jambes et l’exercice devient alors plus mental que physique. Personnellement, c’est un effort lactique que j’apprécie.”
Et c’est encore plus vrai le jour de la course, lorsque toute sa famille et ses amis sont au bord de la route pour l’encourager. “En tant que régional, il est vrai que mon nom est souvent crié. C’est la journée la plus spéciale de l’année, pour moi. La seule en 365 jours où j’ai un peu l’impression d’être Tadej Pogacar”, termine le coureur Intermarché-Wanty dans un large sourire.
De notre côté, il n’est quasiment plus possible de parler. “On redescend ?” sourit Bernard.
La journée se termine donc comme elle a commencé : autour d’un bon café, au Mur Coffee & Cycling. Le Mur qu’on préfère, assurément.